En 2012 puis en 2020 au Mali, un petit groupe d’officiers militaires renverse le président en exercice. Un président impopulaire dans les deux cas, jugé incapable de tenir le cap face à des menaces internes grandissantes. Comparaison entre deux putschs aux nombreuses similitudes.

En mars 2012, une mutinerie éclate dans le camp militaire de Kati en banlieue de Bamako, conduisant in fine à l’éviction de président en exercice Amadou Toumani Touré. S’ensuit une longue période de transition politique qui débouche sur l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en septembre 2013. Le 18 août 2020, depuis le même camp militaire, des officiers de l’armée se soulèvent et renversent le président Ibrahim Boubacar Keïta. S’ensuit une période de transition qui est toujours en cours. De fortes similitudes existent entre les deux putschs militaires. En réalité, quatre coups d’Etat jalonnent l’histoire du Mali depuis son indépendance en 1960. Est-ce qu’au Mali l’histoire se répète ? Quelles sont les points communs et les différences entre ces deux événements ?

Dans un cas comme dans l’autre, un président impopulaire est accusé de « ne rien faire » face une situation sécuritaire inquiétante. En 2012, l’armée est engagée depuis le mois de janvier contre les touaregs séparatistes du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et contre les djihadistes d’Ansar Dine. Partis du nord, les séparatistes gagnent du terrain et menacent la capitale, sans réaction véritable de la présidence. En 2020, une large partie du territoire est toujours sous le contrôle de groupes terroristes au nord et au centre du pays. Ces groupes ont infligé de sérieux revers aux forces armées maliennes. Le régime, qui se révèle incapable de juguler les violences djihadistes et intercommunautaires, est affaibli par des mois de contestation populaire.

Des soldats maliens acclamés par la population le 18 août 2020 à Bamako. Photo Stringer. AFP

En 2012 comme en 2020, la communauté internationale est unanime pour condamner le putsch militaire. La CEDEAO, l’Union européenne, les Etats-Unis condamnent fermement un « coup d’Etat anticonstitutionnel » et réclament le retour du pouvoir aux mains des civils. En 2012, c’est en effet le capitaine Sanogo qui conduit le « Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat ». En 2020, les putschistes annoncent la création du « Comité national pour le salut du peuple » avec à sa tête Assimi Goïta.

Des différences qui dénotent le poids de la junte

Plusieurs facteurs différencient toutefois les deux événements. Alain Antil, chercheur à l’IFRI, explique que la nature des officiers à l’origine des coups d’Etat était très différente : « En 2012, c’étaient des hommes de troupes et quelques officiers subalternes, alors qu’[en 2020] une élite de l’armée a pris le pouvoir et a tout de suite rassuré la communauté internationale, notamment dans les aspects sécuritaires. (…) Il y a une plus grande maturité de cette junte par rapport à celle de 2012. »

Un gouvernement de transition a bien été établi suite aux deux coups d’Etat, mais à des rythmes différents. En 2012, 5 mois mouvementés séparent le coup d’Etat de l’établissement d’un gouvernement d’union nationale. En 2020, les putschistes ont fait preuve d’une étonnante célérité pour mettre sur pied un gouvernement de transition, formé un mois et demie seulement après le renversement d’IBK.

Le colonel Assimi Goita en août 2019. MALIK KONATE / AFP

La junte avait affirmé vouloir mettre en place une « transition politique civile ». Pourtant, les militaires ont trusté quatre portefeuilles régaliens stratégiques : la Défense, la Sécurité, la Réconciliation nationale et l’Administration territoriale. Plus récemment, le nombre de régions maliennes est passé de 15 à 20 suite à un nouveau découpage territorial. 13 militaires proches d’Assimi Goïta ont été nommés à la place de civils pour les diriger, là où ils n’étaient que 5 pour les 15 régions sur l’ancien territoire. Des nominations qui interrogent sur un potentiel glissement vers un régime plus militaire.

Et le rôle de la France dans tout ça ? Contrairement à la période de 2012, les forces françaises sont désormais présentes sur le territoire malien, enlisées dans un conflit dont on ne voit pas la fin. Si la France a publiquement dénoncé le putsch militaire et réclamé le retour à un ordre constitutionnel, les avis en coulisse sont plus nuancés : au Quai d’Orsay, on se félicite au final de l’éviction d’un président jugé trop peu actif. La France a-t-elle, en sous-main, tiré quelques ficelles ? A ce niveau, on ne peut qu’émettre des hypothèses.

Lucas Giboin