Lancée en 2013 par Hollande pour stopper la progression des djihadistes vers le sud du Mali, poursuivie en 2014 au nom de la lutte antiterrorisme, l’intervention française au Sahel se poursuit encore aujourd’hui. 5100 soldats français sont engagés dans ce qui constitue la plus vaste opération extérieure de l’armée française. Pourquoi la France est-elle engagée au Sahel ?

Ecoutons notre Président : la France est au Sahel pour « lutter contre le terrorisme » et « permettre aux Etats sahélien d’assumer leur pleine souveraineté ». C’est incomplet. Il faut ajouter que c’est aussi pour protéger les sites d’exploitation d’Orano (anciennement Areva) et de Total dans les pays de la région. Le leader français du nucléaire extrait du sous-sol nigérian 30 % de l’uranium produit par l’entreprise (inutile de rappeler ici l’importance de l’atome dans la production d’électricité en France). Quant au groupe pétrolier, il est présent en Mauritanie depuis 20 ans et explore de nouvelles sources pétrolières dans le bassin de Taoudeni, situé à cheval entre la Mauritanie et le Mali.

L’enlisement des forces françaises au Mali

Retour rapide sur la chronologie. L’opération Serval a été lancée par Hollande en 2013 pour contenir l’expansion des djihadistes qui menaçaient Bamako en provenance du Nord. En août 2014, elle est remplacée par l’opération « Barkhane » qui vise à lutter contre les groupes djihadistes dans l’ensemble de la zone sahélienne en coordination avec les pays du « G5 Sahel » (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Tchad et Niger). L’objectif de la France est alors de favoriser la montée en puissance des armées sahéliennes pour pouvoir progressivement leur confier la tâche de sécuriser le territoire. Mais ce qui fait joli sur le papier se révèle bien plus difficile à appliquer sur le terrain : la « force conjointe » du G5 reste tributaire de l’action et de la technologie de l’armée française, de nouveaux groupes terroristes émergent en se nourrissant de la défection des combattants déchus (à l’instar de l’Etat islamique dans le Grand Sahara) et parviennent à s’allier pour mener des attaques de grande ampleur contre les armées régulières. La situation s’enlise.

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« On a cru que former des armées était un problème purement technique, qu’il suffisait d’entraîner des gens. Mais il n’y a pas d’armée solide sans Etat solide« , explique Michel Goya (ancien colonel et historien militaire). C’est là que le bât blesse. Les Etats sahéliens, nés en 1960 sur la base de distinctions administratives créées de toute pièce par le colonisateur et regroupant pêle-mêle multiples tribus et ethnies, n’ont pour ainsi dire jamais eu de véritable assise territoriale. Difficile dans ce contexte de défendre un territoire et une souveraineté sans cesse remis en question.

Mais je m’égare. Face à la recrudescence des attaques terroristes et au risque de bourbier pour l’armée française, l’exécutif change de stratégie. En janvier 2020, Macron regroupe les chefs d’Etat du G5 Sahel à Pau pour faire le point. D’ailleurs, l’image est frappante : celle du Président français entouré des 5 chefs d’Etats issus d’anciennes colonies, en leader des opérations pour amener la stabilité régionale… Le cadre d’intervention est redéfini sous le nom d’une « coalition pour le Sahel » rassemblant le G5 Sahel et la France. Les contours du nouveau mode opératoire sont définis : plus d’actions ciblées, la création d’une force de réaction rapide et le resserrement géographique sur la zone dite des « trois frontières » entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, épicentre des assauts terroristes. Le rythme des opérations s’est effectivement accéléré : depuis fin 2019, l’état-major français annonce éliminer ou neutraliser 100 combattants par mois.

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Lucas Giboin

Source images : https://www.defense.gouv.fr/operations/barkhane/dossier-de-reference/operation-barkhane